bilan de la semaine

Comme promis, voici un bilan approximatif de la première semaine :

Comme nous l’avons déjà dit, vous avez été nombreux à vous inscrire et aussi à vous présenter de manière dynamique et vivante. Certains ont même entamé d’intéressantes discussions. Merci.

Notre première sollicitation durant cette première semaine a été le nuage de mots autour de la notion d’addiction. Outre la prévalence importante du mot dépendance, nous avons eu à ce jour 1060 mots différents pour circonscrire le mot addiction. Une grande diversité de point de vue qui vient révéler la complexité de la question !

La première question : « Selon vous, qu’est-ce que l’addiction ? L’addiction est-elle un bien ou un mal, un remède ou un poison ? » a reçu des réponses très variées et souvent opposées, en voici quelques unes :

« La consommation de substance n'est pas à l'origine un besoin vital, comme le fait de devoir dormir ou manger. Mais être addict à quelque chose est le fait que cette consommation devient vitale. » « Une addiction ou une conduite addictive est un comportement qui nous asservit à quelque chose, substance ou comportement. » « L'addiction au sens strict est un abandon à une habitude négative au détriment de toute autre considération ou préoccupation. (...)  Nous sommes tous inégaux face à l'addiction. On parle de vulnérabilité interindividuelle. L'addiction est la conséquence du circuit de la dépendance (…)  dès lors que survient la compulsion  (…) vous entrez, sans le savoir, dans la compulsivité (ou dans l’addiction ? note des rédacteurs). (…). Seule solution pour s'en sortir : le sevrage.  (…)»

Une participante pense que « Ce n’est pas un poison mais plutôt un désir de résoudre notre tendance, nos curiosités » mais d’autres pensent le contraire : « L'addiction est de mon point de vue forcément un mal (…). Si l'on parle d'addiction, on est dans une idée de dépendance donc de manque en cas d'absence. S'il y un manque, il y a un mal-être. C'est donc forcément mauvais » « Selon moi l'addiction est un mal. A partir du moment où l'esprit est dominé par quelque chose, il n'existe plus de libre arbitre. » « L'addiction est un mal, car c'est un comportement impulsif, compulsif. (…)  j'ai souffert de boulimie quand j'ai été plus jeune et pour moi c'était une période de mal-être absolu. » « L’addiction est un mal au sens où il s'agit d'une consommation qui n'est plus contrôlable par la personne qui en est victime, et dont le manque entraine une souffrance physique ou psychique (…). Je placerai la limite entre l'abus et l'addiction au niveau de la crise de manque »

Un bon nombre questionne cette nocivité : «il est difficile de dire si cela est bon ou mauvais. Si un usage régulier de sport devient nécessaire, quel délit y a-t-il? Aussi, ce plaisir propre à la personne doit-il être corrigé si cela ne l'empêche pas d'avoir une vie sociale et professionnelle épanouie? » « Addiction positive? Une addiction est un mal qui cible le ou les points faibles de chacun d'entre nous (…). Pour ma part, je pense être accro au sport car j'ai l'impression d'avoir un manque quand je n'en fait pas pendant plusieurs jours. Je ne sais pas si on peut alors parler ici aussi d'addiction puisque je ne pense pas que cela soit mauvais pour moi. » Un autre : « Pour ma part, la course à pied. 3 fois par semaine et pas une fois de moins... Sinon il y a un manque. Mais il y a la cigarette, que j'ai arrêtée mais qui me hante et parfois je craque!! »

Pour d’autres enfin, c’est bien et mal à la fois : « c’est une perte de contrôle, à la fois une bonne et une mauvaise chose selon comment on l’utilise » nous dit l’un, « Il peut s’agir d’un remède à un mal être, (…) mais à partir du moment où il y a dépendance, il s’agit d’un poison ». « J'estime que l'essence même de l'addiction serait une mauvaise gestion de ses émotions. (…) il est difficile de dire si c'est un bien ou un mal...Car dans un premier temps c'est une réaction de soulagement à des tensions internes donc plutôt un bien mais c'est par la suite que cela devient un mal quand il faut augmenter ses consos ou pratiques coûte que coûte. »

Bigre, ce n’est pas simple ! Heureusement certains y mettent un peu d’humour :


Deuxième question : Pensez-vous être concerné par une ou plusieurs addictions ? Si oui donnez éventuellement des exemples :
Là aussi, grande diversité de réponses franches et sincères dont voici un extrait choisi :  
Certains ne se sentent pas addict : « Suite aux précisions données dans le webinaire non, rien dont je ne puisse me passer ET qui me ferait souffrir. J'ai des habitudes fortes, comme l'usage de Twitter, mais cela ne génère pas de souffrances pour moi, bien au contraire ! » Ou : « Je ne pense pas être concernée par une addiction mais j'ai parfois des comportements compulsifs. Notamment avec le chocolat. » « Franchement, à part l'internet et la consultation de pages, les réseaux sociaux, FB, Youtube, Gmail, Wikipedia, etc., dont je peux me passer pendant les vacances, je ne pense pas être addict. Mais c'est une partie la raison pour laquelle je me suis inscrite à ce MOOC. Donc faut attendre un peu pour savoir... » Et aussi : « Qu'est ce qui fait la différence entre une passion et une addiction ? Je suis passionnée par tout ce que j'apprends ou découvre sur le Net et je passe beaucoup de temps devant mon écran. Le matin, la première chose que je fais est d'ouvrir mon ordinateur..... Est-ce que cela devient une addiction c'est à dire un état de dépendance ? »

D’autres se posent quelques questions, « globalement non mais… » : « Oui c'est banal mais... si je n'ai pas un café (ou un substitut, thé, coca ...) avant 10h du matin, je ne sais plus me gérer. C'est une migraine, et l'idée fixe qu'il me FAUT un café qui devient ma priorité unique jusqu'à ce que je trouve le doux breuvage. Il n'y a pas à ce moment-là de raisonnement qui tienne, la discussion et la concentration sur autre chose deviennent impossibles. Ca ne prend pas beaucoup de temps, ça n'envahit pas ma vie, ce n'est pas une consommation excessive et croissante, mais j'en ai physiquement besoin. » Une autre personne : « Pour ma part, je suis plus sensible aux addictions (chocolat, internet, ....) quand mon estime personnelle est au plus bas, c'est à dire quand je me retrouve seul et sans projets pendant plusieurs semaines. » Et aussi : « Enfin si l'attachement sentimental est assimilé à une addiction, je peux y être addicte parfois, à voir... » Quelqu’un d’autre : « Je suis passée par quelques dépendances que j'ai tenté d'élaborer dans ma quête de liberté. (…) Je fume, des fois j'arrête mais là je fume. À contre-courant de l'hygiénisme ambiant, je sais que l'humain a besoin de modifier sa conscience pour le plaisir ou pour la création (Cela pourrait se discuter… Et par ailleurs, y-a-il besoin d’addiction pour modifier sa conscience ?, NDLR)... Je reste addicte au plaisir, c'est une porte ouverte... »

Certains pensent plutôt, ou pour d’autres clairement, être addicts : « Si je fais la liste... je m'effraie un peu… addiction au smartphone, (…) twitter en particulier... mais aussi addiction à la presse, aux infos (en ce moment, c'est particulièrement violent... #jesuischarlie...) addiction à certains rituels, le café du matin au comptoir même si le café est meilleur chez moi (NDLR : est-ce bien une addiction ?)... Si je remonte dans le passé, addiction au chocolat/sucre...un passage de dépenses compulsives, addiction à l'Aturgyl (décongestionnant nasal aujourd'hui interdit) je crois que c'est tout... » Quelqu’un d’autre : « Je suis concerné par l'addiction numérique : une grande quantité de pages consultées chaque jours + face, twitter, Linkd, viadéo et plusieurs comptes E-mail. Je trouve de moins en moins du temps pour faire autres choses. » Et aussi : « j'ai un comportement addictif ; je me sors d'une addiction pour replonger dans une autre ! » Une autre personne : « idem, j'arrive même à cumuler ;-) sport+ travail + amour passionnel ... » (NDLR : il y a pire !) « Je pense être addict au tabac dans le sens où lorsque j'essaie de m'en passer, je n'arrête pas d'y penser. » « Je l'ai été. J'ai développé une dépendance et une accoutumance à un traitement prescrit pour des douleurs chroniques (Rivotril) : nécessité d'augmenter les doses pour trouver de moins en moins de soulagement, syndrome de sevrage majeur à l'arrêt progressif avec surtout des manifestations physique (douleurs, insomnies, tachycardie, problèmes de tension artérielle...), deux crises de panique, mais je n'ai jamais eu l'envie de reprendre (…). Plus de deux ans après l'arrêt, j'ai encore des troubles très gênants au quotidien, j'ai dû diminuer mon activité professionnelle (…) Ma vie relationnelle a connu un grand vide (…) »

Parfois, c’est l’entourage qui interpelle : « Je ne me considère pas en addiction par rapport à quelque chose; néanmoins, mon entourage me trouve très accroché à mon téléphone. Serais- je addicte ???? »

Certains enfin préfèrent répondre à la question par une autre question : par exemple : « Peut-on parler de tempérament addictif ou simplement passionné. Une addiction serait-elle une passion maladive?
Toute passion n'est-elle pas susceptible de se transformer en addiction ? »
(NDLR : réponse dans le webinaire !) Ou encore : « Si je bois 3 ou 4 bières par jour suis-je ou dépendant ? » (NDLR : ce seul élément ne permet pas d’apporter une réponse…) Enfin une ouverture pour la suite : « Nous avons tous des tendances "addictives" (je ne peux pas me passer de mon café du matin, je ne peux pas m'empêcher de vérifier mes mails en me levant...) Pourtant est-ce que nous ne serions pas en train de tomber dans une "mode" de l'addiction ? Tout le monde se croit addict, mais au final la plupart des gens n'ont pas de comportements pathologiques. Pour l'addiction numérique c'est difficile de l'évaluer puisque finalement il faut se baser sur une norme : nous sommes tous sur nos téléphones toute la journée, mais sommes-nous donc tous addict ? » Et en réponse : « Les petites poucettes il y en a beaucoup, une pratique majoritaire du smartphone ne fait pas de nous forcément des personnes addictes, tout dépend du contexte d'utilisation, de l'usage et du temps accordé à téléphoner ou à passer des sms. »

Troisième question : A partir de certains comportements devenant envahissant, comment situez-vous l'usage excessif par rapport à l'addiction ?

Ces deux notions sont, usage excessif et addiction, difficiles à séparer : « C'est une limite difficile à marquer. Lorsqu'un comportement provoque du plaisir et reste à cet état, nous pensons que nous ne sommes pas encore dans l'addiction […] » « Je ne pense pas que l'usage excessif relève du même domaine que l'addiction. Je peux faire un usage excessif de sel dans un plat et corriger par la suite […] »

Mais presque toutes les réponses vont dans le sens d’un écart entre l’usage excessif et l’usage addictif, et soulignent plusieurs différences : « On peut arrêter, faire une pause dans un usage excessif... S'en passer le temps de vacances, de soirées... L'addiction ne peut pas s'arrêter, elle est comme une obsession quotidienne. »
« L'usage excessif peut ne pas être indispensable à la mode de vie du concerné, il peut s'en passer de temps en temps, mais pour l'addiction je pense il lui est très difficile de s'en défaire. » Autre témoignage : « Pour moi, l'usage excessif, c'est je fais trop, beaucoup trop, trop souvent, mais je fais par choix, par liberté, de façon consciente, ça ne change pas fondamentalement ma perception des choses et de mon environnement extérieur […] L'addiction, je ne fais plus seulement par choix, par plaisir, par envie, je fais parce qu'il faut que je fasse, par besoin, par obligation sinon je ressens un manque et ce manque peut avoir des conséquences […] »

Une différence soulignée à plusieurs reprises est que l’usage excessif peut rester un plaisir : « Ca me semble être de deux ordres distincts. L'excès peut être festif, occasionnel, l'abus, qu'il aille trop loin ou trop souvent, est plutôt destructif. » Mais peut mener aussi à l’addiction : « Il s’agit d’un rapport d’échelle, de degré. L’usage excessif peut mener à l’addiction, s’il n’est pas maitrisé par l’usager. »


Quatrième question : L’outil numérique n'est-il pas parfois facilitateur de certaines des addictions aux drogues (légales ou non) ou comportementales ? A l’inverse, l’outil numérique n'est-il pas parfois un support aidant pour se dégager des addictions ?


 Il y a eu pour certains un malentendu au sujet de cette question, peut-être n’avons-nous pas été assez clairs : il s’agissait bien de savoir si Internet facilitait l’usage ou la sortie d’addiction préexistantes au numérique et non pas si Internet créait de nouvelles addictions (ce qui sera exploré plus tard). Beaucoup ont cependant répondu dans le sens réel de la question :

Certains ont insisté sur son aspect facilitateur : « Le numérique en tant qu'outil facilite l'accès aux marchés des différentes drogues sans avoir à se déplacer et à s'impliquer physiquement, et sans ressentir une prise de risques aussi élevés que dans la vie réelle ou même une certaine culpabilité. » « L'outil numérique est facilitateur pour les addictions aux drogues étant donné qu'il est tellement facile de se procurer les nouvelles drogues. De même pour les addictions comportementales enfin celle en lien avec les jeux de hasard et d'argent via les casinos en ligne. ». Un autre : « Pour les jeux de hasard et d'argent en ligne, il est prouvé scientifiquement que jouer en ligne est plus addictif que jouer au casino. » « Internet est aussi le vecteur du mode d'emploi, voire de l'apologie de la plus part des produits. Les stups, leurs effets y sont sublimés. Liberté d'expression, censure, que doit-on faire sachant que les pays, au-delà d'une définition commune (OMS) autour des drogues, ont cela dit une réglementation (voire une culture) différente tant vis à vis des produits que du web ?3

D’autres  ont insisté sur l’aide que cela apporte, souvent avec ses limites : « L'outil numérique permet une diffusion plus massive de l'information, et des échanges, positifs ou négatifs, avec des personnes concernées ou intéressées par les addictions. L'information et les échanges peuvent contribuer à se dégager d'une addiction mais ne sont pas suffisants car des interactions réelles sont nécessaires, dans le cadre par exemple d'une thérapie, afin de traiter les causes de l'addiction avec un feedback corporel et non corporel en temps réel. » « Effectivement il peut être un support pour se dégager ou trouver des aides il suffit de voir que certains CSAPA mettent en place des web conférences pour aider soit le patient soit son entourage. » Et : « Il y a aussi des associations d'entraide entre utilisateurs, par exemple pour les troubles du comportement alimentaire (anorexie ou boulimie) ou en matière de toxicomanie les forums des consommateurs qui ont essayé telle ou telle molécule vendue sur internet et qui donnent leur avis (dosage, danger, etc.)(Exemple : association « psychoactif » citée par Marc Valleur lors du webinaire, NDLR) Ces associations orientent souvent les personnes en difficulté vers des centres spécialisés.
Peut-être aussi pour ceux qui ne connaissent pas préciser que CSAPA signifie Centre de Soin d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie, ce sont les centres où l'on peut consulter si on est en grande difficulté avec une addiction, il y en a au moins un par département en France et c'est gratuit. »
Quelqu’un d’autre : « Les CSAPA sont bien présents mais ont-ils tous les moyens d'accomplir la très lourde tâche qu'on leur attribue? »

Mais la plupart pensent qu’Internet joue les deux rôles, facilitateur et aide à la sortie des addictions préexistantes : « Et bien sur Internet on peut tout trouver… Comment faire, cultiver, trouver, acheter. En revanche énormément de prévention, de site internet existent  pour palier à ça. Je dirais "kif kif" ».  Ou : « Le numérique comme outil peut occuper plusieurs fonctions face à l'addiction, la renforcer comme aider à la déjouer. »  « Oui le numérique peut être un facilitateur : vente en ligne, échange sur les forums, liste des stupéfiants... Mais tous ces outils du numérique peut être aussi utilisé à bon escient. »
« L'outil numérique. Ou : « C'est une des causes de nos addictions mais aussi une des solutions qui peut nous permettre de sortir de nos addictions. »  « Le numérique est sans doute facilitateur de l’addiction aux écrans (vidéo, jeux, réseaux sociaux,etc.). C’est bien pour cela que les experts comme Serge Tisseron recommandent la règle des 3-6-9(-12, NDLR) incitant les parents à contrôler la durée d’accès aux écrans en fonction de l’âge des enfants. » « L'outil numérique est ce que l'on en fait. Son usage peut-être une ressource prodigieuse pour trouver des informations pour par exemple se sortir d'une addiction (informations sur des lieux de soins, forums de personnes souffrant des mêmes addictions...). Mais il peut aussi faciliter une addiction par ces mêmes forums ou autres (…)»

Nous conclurons par un témoignage concret :« L'outil numérique est un outil. Tout outil peut être utilisé pour le meilleur ou pour le pire ! L'outil numérique favorise certainement le passage à l'acte impulsif dans certaines addictions (je pense particulièrement au jeu en ligne...) mais il est également un support pour sortir de certaines addictions. Les informations que j'ai trouvées sur internet concernant le difficile syndrome de sevrage que j'ai vécu m'ont aidée à tenir bon. Pouvoir également rencontrer sur des forums d'autres personnes ayant les mêmes difficultés peut être une aide. Tout est donc facilité ! L'addiction, la prise de conscience de l'addiction, le cheminement pour sortir de l'addiction... »
 
Comme vous le voyez les débats ont été riches. Les trois premières questions étaient très ouvertes et ont permis de voir les nombreuses opinions et désaccords parfois autour de l’addiction en général et de l’addiction comportementale. Nous invitons vivement ceux qui n’ont pas encore pris le temps de voir le séminaire de la semaine 1 à le visionner ou l’écouter en podcast car il nous semble que beaucoup de réponses aux questions posées par les uns et les autres y ont été proposées.

Nous vous invitons maintenant à investir la deuxième semaine dans un esprit encore plus collaboratif, peut-être en vous regroupant par affinités ou en intégrant des débats initiés!